LES ANDROGYNES
et comme chaque nuit
depuis deux cent mille ans,
je te tiens dans mes bras
pour la première fois
mes mains pâles et fragiles
épousent ta chaleur
ton être tout entier
se déraisonne alors
dans un élan fou
de tendresse immature
il rampe sur le sol
caresse et lèche mes pieds
se roule sur mes cuisses
c’est comme ces êtres,
disais tu,
ceux qui jadis peuplaient la terre
l’un à l’autre collés,
soit mâles ou femelles
ou hybrides androgynes
tu racontes tout bas
qu’ils ignoraient l’amour
puisque heureux en eux-même
infiniment comblés
de cette présence jumelle,
cet orgueil leur coûtât
la colère divine
Zeus pour les punir
les tranchât d’un éclair
en deux parts égales
qui engendrèrent alors
de simples femmes et hommes
esseulés pour toujours
c’est pour cela dis-tu
que chaque être ici bas
recherche sa moitié,
qu’il arpente la terre
chérissant sans relâche
le souvenir cruel
de l’unité perdue
je lèche dans ta bouche
ce goût de nostalgie
il y a dans mon baiser
toute l’humanité
ressens-tu sur tes lèvres
mes battements de cœur ?
et c’est par habitude
comme la vague qui meurt
mordre ton ombre encore
et mes bras qui s’enroulent
de toi cent fois font le tour
mes jambes à mon cou
ma bouche à ton sexe
que chaque jour qui vient
j’ai ta peau tout entière
qui recouvre la mienne








